Hier, en observant l’agitation frénétique autour du Black Friday, j’ai été frappée par la pression incessante à “profiter” des promotions, à accumuler encore et toujours… Tout cela m’a poussée à m’arrêter, à prendre du recul et à regarder… Où va ce monde qui semble chercher le bonheur à travers l’achat, la possession, l’acquisition ? Et où vais-je moi-même, quand je me laisse entraîner par cette danse collective, me promettant des joies fugaces, une complétude artificielle par ce qui est extérieur ? Et en observant de plus près, j’ai vu que l’illusion ne résidait pas seulement dans la consommation, mais aussi dans ceux qui se trouvent de l’autre côté, dans le rejet radical de cette même consommation, ce qui ne fait souvent que nourrir une autre forme de dualité. C’est comme si nous étions pris dans un cercle sans fin, cherchant à nous libérer du monde matériel, mais en restant toujours attachés à l’idée même de rejet.
La vraie liberté, la vraie paix, se trouvent ailleurs, dans l’acceptation de tout ce qui est, au-delà de la quête et du rejet.
La quête de Bonheur dans la consommation matérielle : une illusion de séparation et un piège de rejet
Nous avons été conditionnés à croire que le bonheur réside dans la consommation, la possession et l’acquisition de biens matériels. Les publicités, les médias sociaux, les influences culturelles… tout semble nous dire que, si nous possédons les bons objets, si nous vivons certaines expériences, nous serons comblés. Mais qu’est-ce que cela cache, en réalité ? Au fond de nous, nous savons que cette quête n’apporte que des satisfactions temporaires, des plaisirs fugaces. La consommation ne fait que refléter l’illusion d’un soi séparé, d’un moi qui manque de quelque chose et qui cherche à combler ce vide à l’extérieur.
Dans la vision non-duelle, il n’y a pas de “je” distinct du monde extérieur, et il n’y a pas de véritable séparation entre le sujet qui consomme et l’objet consommé. Cette dualité que nous créons, cette idée de “moi” et “le monde”, de “moi” et “ce que je possède”, est le fondement même de l’illusion. Quand je cherche à me satisfaire à travers des objets ou des expériences, je renforce cette croyance que le bonheur se trouve quelque part en dehors de moi. Mais si je m’arrête un instant et que je regarde plus profondément, je vois que ce manque n’existe que dans ma propre perception, dans mon identification à un “moi” séparé. Tout ce que je cherche à l’extérieur est déjà là, en moi, mais je ne le vois pas parce que je me laisse piéger par l’illusion.
Mais, peut-être, certains d’entre nous réagissent à cela en rejetant complètement la consommation, croyant que, pour se rapprocher de l’éveil, il faut abandonner tout ce qui est matériel. Peut-être, dans cette tentative de se détacher, de se purifier de l’attachement au monde matériel, tombons-nous dans une autre forme de dualité : celle du rejet. L’acte de renoncer à ce que nous jugeons comme “impur” ne fait-il pas partie du même mécanisme qui cherche à diviser, à opposer le “bien” au “mal”, le “spirituel” au “matériel” ? Le rejet devient alors un attachement à une idée, une forme de résistance, et non une réelle liberté.
Quand nous rejetons la consommation par idéalisme, en croyant être plus “spirituel”, plus “conscient”, et peut-être même en croyant que ce renoncement nous conduira à l’éveil, nous nous inscrivons dans un autre type de dualité : celle de l’ego spirituel. Le rejet devient une nouvelle forme de possession, une nouvelle identité que nous cultivons, une autre manière de dire “je suis différent”, “je suis pur”, “je suis détaché”. Mais en réalité, cette posture n’est pas celle de l’éveil. C’est une forme de résistance intérieure qui nous garde dans le même piège : celui de l’identification.
La voie de la non-dualité ne consiste ni à s’attacher ni à rejeter, mais à voir clairement que tout ce que nous vivons, tout ce que nous ressentons, tout ce que nous expérimentons, fait partie de la même réalité indivisible. La consommation n’est ni bonne ni mauvaise en soi, elle devient ce que nous en faisons. Quand nous cherchons à combler un vide intérieur, nous nous égarons. Mais quand nous vivons avec la conscience que tout ce que nous expérimentons, que ce soit l’achat d’un objet ou le fait de renoncer à ce même objet, fait partie du même flux, alors la consommation perd son pouvoir sur nous. Elle cesse d’être un moyen d’acquérir du bonheur, et devient simplement une expérience parmi d’autres, vécue dans la pleine présence, sans jugement, sans attachement.
La véritable liberté vient de l’acceptation totale de ce qui est, sans vouloir fuir ce qui nous déplaît ou rechercher ce qui nous plaît. La véritable paix naît de l’absence de division intérieure. Nous ne sommes pas ce que nous possédons, ni ce que nous rejetons. Nous sommes ce qui est, dans toute sa simplicité et son immédiateté. Quand cette vérité est perçue, non comme un concept mais comme une expérience vécue, la recherche de bonheur cesse d’être un effort. Nous sommes déjà ce que nous cherchons, ici et maintenant, dans l’acceptation de chaque instant tel qu’il est.
Dans ce chemin vers l’éveil, il n’y a ni acquisition ni renoncement. Il n’y a que l’unité de tout ce qui est, dans l’instant présent. La consommation n’est ni un piège ni une solution, elle est simplement un reflet, un miroir. Et c’est dans ce miroir, quand nous regardons sans désir et sans jugement, que nous pouvons voir notre véritable nature. Une nature qui est déjà entière, déjà complète, et qui n’a besoin ni de posséder ni de rejeter, mais simplement d’être.